Musicothérapie et douleurs chroniques ou non
Cette page définit les douleurs chroniques et les différencient de celles qui ne le sont pas. Elle évoque quelques études scientifiques concernant la musicothérapie en lien avec la douleur. La recherche sur ce sujet n’est pas considérée comme menée à son terme, car beaucoup de ces travaux s’apparentent à des études pilotes, ou ne sont pas exempts de biais.
Douleurs, définitions :
La douleur peut de définir par beaucoup d’adjectifs comme vive, déchirante, diffuse, lancinante, foudroyante, intense…
Je vous propose de garder la définition suivante : une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée ou ressemblante à celle associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle.
La douleur est dite chronique lorsqu’elle est présente depuis plus de trois mois.
Pour évaluer la douleur des échelles existent la plus utilisée reste l’échelle numérique (EN) fonctionnant de 1 à 10. Son évaluation prend en compte l’intensité de la douleur, la sévérité de nature cognitive, comportementale, émotionnelle, sociale ou encore spirituelle, éprouvée et son impact sur l’activité de la vie quotidienne.
Douleur légère EN entre 1 et 3
Douleur modérée EN entre 4 et 6
Douleur sévère EN entre 7 et 10
[IASP]
Dans la douleur chronique se distinguent trois grands types :
– douleurs nociceptives liées à la stimulation mécanique (provoquée par un mouvement) ou inflammatoire d’une zone précise du corps. Exemples: lombalgie, arthrose
– douleurs neuropathiques sont dues à des lésions situées dans le système nerveux au niveau du cerveau, de la moelle épinière ou des nerfs. Exemples: canal carpien, névralgie
– douleurs nociplastiques sont dues à un dysfonctionnement des systèmes de contrôle de la douleur : les examens cliniques ne révèlent ni lésions ni atteintes des nerfs. Exemples: fibromyalgie, céphalées de tension.
[AFVD]
La recherche scientifique en musicothérapie
Chaque bloc recense plusieurs études scientifiques.
Retrouvez la bibliographie en fin de page.
N’hésitez pas à visiter le site Médiadoc de Lise Henry, spécialiste de l’information et de la communication depuis près de 20 ans qui réalise un travail de veille scientifique trés sérieux en musicothérapie.
Je tiens à préciser que toutes les études sur le domaine ne sont pas représentées ici.
En milieu psychiatrique, il est prouvé que la musique permet de réduire les analgésiques. Écouter de la musique peut donc influencer la perception de la douleur mais pas n'importe quelle musique. Elle doit être agréable pour la personne qui l'écoute si l'on souhaite avoir les meilleurs résultats.
Une revue systématique comprend 51 études impliquant 3663 sujets. La musique peut réduire la douleur avec une soulagement signalé par de nombreux patients d’au moins 50 %. Aussi, les besoins en analgésiques de type morphinique sont moins importants. Cependant, comme l’ampleur de ces effets positifs est faible, la pertinence clinique de la musique pour le soulagement de la douleur dans la pratique clinique n’est pas claire. Elle ne doit pas être considérée comme un traitement de première ligne mais comme un complément.
[Cepeda, Carr, Lau, Alvarez, 2006.]
J’inclus cette recherche ici car elle met en lien les effets de l’humeur provoquée par la musique sur la douleur. Des chercheurs évaluent 18 personnes entre 19 ans et 39 ans sans trouble psychiatrique ni neurologique lors d’une étude. Elle vise à savoir si la valence émotionnelle de la musique peut avoir un effet sur la perception de la douleur. Elle prouve que les extraits agréables et désagréables induisent la valence émotionnelle correspondante et des niveaux similaires d’excitation. Les participants ont également ressenti moins d’anxiété et de colère après avoir écouté de la musique agréable. Les résultats démontrent que les morceaux agréables réduisent la douleur tandis que les titres désagréables l’augmentent.
[Roy, Peretz, Rainville, 2008]
Ces conclusions apparaissent aussi dans une autre étude plus solide avec 54 personnes. En écoutant leur propre musique préférée, les participants masculins et féminins ont toléré le stimulus douloureux beaucoup plus longtemps que pendant la musique de relaxation et les conditions de contrôle. Chez les femmes, c’est particulièrement signifiant car elles évaluent l’intensité de la douleur comme nettement inférieure avec leur musique favorite. [Mitchell, MacDonald, 2006]
En médecine somatique, des études démontrent une diminution de la douleur lors d'interventions chirurgicales, d'hémodialyse, de biopsie de la prostate grâce à la musique. Son utilisation peut aussi diminuer la douleur postopératoires cardiaque.
Une étude sur groupe randomisée et réalisée à Tunis montre que l’utilisation de musiques lors d’interventions chirurgicales diminue les niveaux de douleurs et d’anxiété des patients. L’influence est également positive sur les signes vitaux (fréquence cardiaque, pression artérielle…) et sur le confort des bénéficiaires.
[Kahna M, 2020]
Un groupe d’infirmières a rédigé un mémoire sur les effets de la musique en hémodialyse. Elles constatent après l’analyse de 6 articles de presse scientifiques que la musicothérapie diminue l’intensité de l’anxiété et de la douleur chez les patients hémodialysés.
[Burri, Pereira Vieira, Rickli, 2019]
Une méta-analyse sur sept études éligibles et 662 hommes lors de biopsie de la prostate démontre que la musicothérapie réduit non seulement la douleur mais aussi l’anxiété et légèrement des paramètres physiologiques tels que la fréquence cardiaque ; Elle n’a pas eu d’effets sur la pression artérielle et la fréquence respiratoire après la biopsie de la prostate.
[He, Li, Zhao, Chen, 2023]
La musicothérapie contribue à minimiser la douleur et l’anxiété postopératoires cardiaques, ainsi que la pression artérielle, la fréquence cardiaque et respiratoire.
[Dong, Zhang, Chen, Luo, 2023]
En population gériatrique, la musique réduit fortement le refus de soins et l'agressivité des patients et raccourci la durée des soins.
L‘intervention musicale personnalisée par l’application numérique MUSIC CARE© a réduit le refus de soins et l’agressivité des patients atteints de troubles neurocognitifs majeurs vivant en établissement. Music care est un dispositif médical validé cliniquement qui utilise la technique de la bande en U. Elle ne remplace pas la présence d’un musicothérapeute pour autant. Cette intervention musicale a été associée à une réduction de la douleur et à une augmentation de la satisfaction des résidents. De plus, cette intervention a raccourci la durée de ces soins et l’a facilité. Il faut noter que cette étude a plusieurs biais, déjà elle n’est pas réalisé à l’aveugle, ensuite M. Guetin a formé lui même les soignants à l’utilisation de l’application alors qu’il en est le fondateur.
[Loko, Coudeyre, Guétin, Jarzebowski, Belmin, 2018]
En pédiatrie et maternité, les études montrent des effets sur la douleur en soins palliatifs et oncologique. La voix du parent a aussi un effet très important pour surmonter les épreuves de la maladie. La musique a aussi un effet sur les douleurs pendant l'accouchement avec ou sans césarienne et l'acte d'épisiotomie.
Dans une unité de soins palliatifs pédiatrique, un groupe randomisé de 50 enfants âgés en moyenne de 3,5 ans ont bénéficié de musicothérapie durant leurs soin d’hygiène. Leur douleur évaluée à 42 % dans des conditions standards passe à 17 % avec la musicothérapie réceptive avec la technique de la bande en U. La musicothérapie est donc efficace pour améliorer l’analgésie chez les enfants gravement malades exposés aux soins d’hygiène quotidiens.
[Mounier, Cambonie, Baleine, Le Roux, Bringuier, Milési, 2024]
Sachez qu’un enfant dans une telle unité de soins peut recevoir 5 à 23 interventions douloureuses, soit une moyenne de 11 actes quotidiens.
[Baarslag, Jhingoer, Ista, Allegaert, Tibboel, van Dijk, 2019]
Les conclusions d’un mémoire qui porte sur l’étude de la douleur en soins palliatifs infantiles lors de piqures journalières estiment que des interventions vocales quelles soient parlées ou chantées venant de la mère semblent être efficace sur la douleur. Il précise que la présence du parent est importante pour pallier aux difficultés de l’enfant. Enfin il démontre quand sans la présence vocale du parent l’enfant souffre bien plus.
[Piazza, 2021]
Une méta-analyse qui comporte 11 articles identifie les effets thérapeutiques des interventions musicales en termes psychologiques et physiologiques et sur la qualité de vie des enfants traités par le cancer. Avec des interventions musicales d’environ 30 minutes il existe des preuves que l’utilisation de la musique réduit la douleur et l’anxiété et améliore la qualité de vie des enfants qui subissent un traitement contre le cancer.
[da Silva Santa, Schveitzer, dos Santos, Ghelman, Filh, 2021]
Le contact vocal entre la mère et son nourrisson est le sujet d’une autre une étude dans un service de soins pour les enfants nés prématurément. Elle conclut que la présence vocale du parent permet une meilleure stabilité du bébé quand sa mère chante ou parle, avec moins d’épisodes critiques, un comportement modifié du nourrisson avec des yeux plus souvent ouverts ainsi que plus de mouvements d’autorégulation. Aussi, les enfants sont moins isolés car ils voient plus réguiliérement leurs parents que sans dispositif de soin non pharmacologique. Enfin, la recherche prouve que le taux d’ocytocine augmente grâce à l’intervention vocale. C’est une hormone qui a un rôle crucial dans les conditions de séparation des jeunes enfants de leurs parents. Elle a un effet neuroprotecteur contre les réactions inflammatoires liées à la douleur et au stress.
[Filippa, 2022]
Des études tendent à démontrer que la musique a un effet sur les mères lors de leurs accouchements. L’un prend en compte un échantillon de 30 personnes en travail. Les résultats de cette étude montrent que la musicothérapie est efficace pour réduire l’intensité de la douleur chez les patientes durant la première phase de l’accouchement.
[Nining Sulistyowati, 2023]
13 essais contrôlés et randomisés inclus dans une méta-analyse qui regroupe un total de 1513 personnes évaluent la douleur lors d’accouchement par césarienne. La musique atténue l’anxiété et la douleur pendant et après l’acte.
[Khaity, Tarek, Alabdallat, Albakri, Gabra, Ghaith, 2023]
Une méta-analyse sur 677 sujets confirme que les interventions basées sur la musique peuvent être considérées comme un choix pour la gestion de la douleur de l’épisiotomie post-partum à court terme chez les femmes. Enfin, des études sont actuellement en cours pour tirer des conclusions sur les effets à long termes.
[Maleki, Youseflu, 2023]
Consultez les retours d’expériences avec la musicothérapie
Bibliographie
AFVD Association Francophone pour Vaincre les Douleurs https://www.association-afvd.com/les-douleurs-chroniques/les-differents-types-de-douleurs-chroniques
Baarslag MA, Jhingoer S, Ista E, Allegaert K, Tibboel D, van Dijk M. How often do we perform painful and stressful procedures in the paediatric intensive care unit? A prospective observational study. Aust Crit Care. 2019;32(1):4–10. doi: 10.1016/j.aucc.2018.04.003
Burri O, Pereira Vieira D, Rickli T. Quand la musique s’invite en hémodialyse. 2019; doi: 10.22005/BCU.238777
Cepeda MS, Carr DB, Lau J, Alvarez H. Music for pain relief. In: Cepeda MS, editor. Cochrane Database of Systematic Reviews. Chichester, UK: John Wiley & Sons, Ltd; 2006.
da Silva Santa IN, Schveitzer MC, dos Santos MLBM, Ghelman R, Filho VO. MUSIC INTERVENTIONS IN PEDIATRIC ONCOLOGY: Systematic review and meta-analysis. Complement Ther Med. 2021;59(102725):102725. doi: 10.1016/j.ctim.2021.102725
Dong Y, Zhang L, Chen L-W, Luo Z-R. Music therapy for pain and anxiety in patients after cardiac valve replacement: a randomized controlled clinical trial. BMC Cardiovasc Disord. 2023;23(1). doi.org: 10.1186/s12872-023-03058-5
Filippa M. ETUDE : La voix pour apaiser la douleur, réduire l’isolement et favoriser le développement positif du bébé prématuré, La Recherche, juillet-septembre 2022, N°570
He H, Li Z, Zhao X, Chen X. The effect of music therapy on anxiety and pain in patients undergoing prostate biopsy: A systematic review and meta-analysis. Complement Ther Med. 2023;72(102913):102913. doi: 0.1016/j.ctim.2022.102913
ISAP International Association for the Study of Pain https://www.reseau-lcd.org/wp-content/uploads/2019/06/Classification-douleur-chronique.pptx.pdf
Kahna M. “The Contribution of Music Therapy to the Operating Room: A Randomized Control Study” MAR Case Reports 1.3 (2020)
Khaity A, Tarek M, Alabdallat Y, Albakri K, Gabra MD, Ghaith HS. The effect of music intervention on anxiety and pain during cesarean delivery: A meta-analysis of 1513 patients. Int J Med Stud. 2023;S227. doi: 10.5195/ijms.2022.1812
Loko A, Coudeyre E, Guétin S,Jarzebowski W, Belmin J. Effects ofstandardized musical intervention onrefusal of care and aggression duringtoileting in people withinstitutionalized neurocognitivedisorders. Ann Phys Rehabil Med2018; 61(6):421-3. DOI:10.1016/j.rehab.2018.09.001
Maleki A, Youseflu S. The effect of music-based interventions on short-term postpartum episiotomy pain: A systematic review and meta-analysis. Heliyon. 2023;9(4):e14785. doi: 10.1016/j.heliyon.2023.e14785
Mitchell, MacDonald. An experimental investigation of the effects of preferred and relaxing music listening on pain perception. J Music Ther. 2006;43(4):295–316. doi: 10.1093/jmt/43.4.295
Mounier S, Cambonie G, Baleine J, Le Roux M, Bringuier S, Milési C. Music therapy during basic daily care in critically ill children: A randomized crossover clinical trial. J Pediatr. 2024;264(113736):113736. doi: 10.1016/j.jpeds.2023.113736
Nining Sulistyowati, Music Therapy Reduces Pain In Labor, Jurnal eduhealth, Volume 14, No 02, 2023
PIAZZA, D S D. Étude de l’effet modulateur du contact vocal précoce maternel sur la douleur ressentie par l’enfant prématuré. Master : Univ. Genève, 2021
Roy M, Peretz I, Rainville P. Emotional valence contributes to music-induced analgesia. Pain. 2008;134(1):140–7. doi: 10.1016/j.pain.2007.04.003
© Océanne Demont | Musicothérapeute à Lyon et Villeurbanne | Contact | 2024 – Création : Pauline Morand | Mentions légales